J’ai voulu écrire cet article après avoir vu sur LinkedIn un post de Charlie Couratin, qui dénonce la campagne de pub d’une conférence pour devenir graphiste avec comme slogan, entre autre : « t’as raté ton Bac ? Deviens graphiste ». 

Le post LinkedIn de Charlie Couratin est disponible ici et voici les visuels de la campagne de pub en question :

Ce post a eu énormément de réactions. Normal, le sujet passionne la plupart des graphistes, directeur artistique, motion designer, etc… Ces professionnels de la communication ont parfois l’impression que leur métier n’est pas pris en considération, ou du moins pas assez.

Je ne vais pas revenir en détail sur la compagne de pub pour cette conférence, qui est de mon point de vue tout à fait choquante, il y a assez de commentaires dans le post sur LinkedIn pour ce faire son avis.

Mais cette campagne reflète une réalité, peut être pas majoritaire mais présente, ou le métier dit de « créatif » en communication est perçu comme facile et donc qui peut être dénigré.

Le terme « dénigré » est peut être trop fort, je l’admets. Et je tiens à dire tout de suite que ce n’est pas une pensée unique. Il y a des personnes, des professionnels du secteur ou non, qui reconnaissent et respectent totalement ces métiers.

Mais quel graphiste, ou autre, n’a jamais entendu dire : « tu passes ta journée à dessiner toi », « c’est facile, tout le monde est capable de cliquer sur un ordinateur », « il suffit que tu changes ce petit truc, ça ne va pas te prendre beaucoup de temps », « il te faut autant de temps pour créer un logo ? » …

Une question se pose :

Pourquoi la légitimité du créatif est souvent remise en question ?

C’est ce que je vais essayer d’expliquer en 4 points.

1 – Le manque de confiance

Chacun a sa propre sensibilité graphique, sa propre culture, ses propres goûts. Qui n’a jamais dit : « c’est beau », « c’est moche » ? Tout le monde, sauf quelque rares exceptions, c’est humain.

Une chose est certaine : il est impossible de contenter l’ensemble.

Certaines personnes pensent que comme nos métiers touchent à l’image, elles se pensent légitimes et capables d’apporter une expertise. Et comment faire totalement confiance à une personne alors que tu te sens capable, dans une certaine mesure, de faire la même chose ?

C’est à cause de ce manque de confiance que la dérive commence. Chacun peut avoir son avis oui, mais il faut aussi être à l’écoute du professionnel en face de soi, qui dans 90 % des cas, s’il fait quelques chose, c’est qu’il a une bonne raison et c’est dans l’intérêt du projet. 

Attention : un client, un responsable ou un collègue, doit être critique sur le travail proposé. C’est en étant critique, en posant des questions, en essayant d’apporter un point de vue différent que le résultat est souvent meilleur. Le client par exemple connaît mieux son secteur d’activité, son entreprise ou son produit qu’un graphiste.

Mais il ne faut pas remettre en question le professionnalisme du prestataire sous prétexte que de mon point de vue je trouve ça « moche » ou « beau ». Dans la plupart des cas, une réalisation graphique n’est pas faite par pur hasard. La création peut ne pas être « pertinente » ou « adapté », mais attention aux jugements de valeur.

Quand je vais chez le boulanger, je ne vais pas lui dire comment faire son pain, même je peux préférer la baguette à la flûte, non ?

2 – Le cliché du « créatif »

La deuxième chose qui explique, selon moi, que les métiers créatifs sont souvent dénigrés, c’est qu’ils ne sont pas assez connus.

L’image du « créatif » en communication se résume parfois à une personne dans la lune, qui passe toute la journée à rêver, à dessiner ou derrière son ordinateur mais qui est capable d’avoir une idée de génie en 5 minutes.

La fameuse phrase : « C’est normal, t’es un créa toi ».

Une personne créative est forcement une personne à part, excentrique ? Je n’en suis pas certain.
Voilà encore une image bien trop présente de nos jours.

Alors oui, beaucoup de professionnels du métier restent derrière un ordinateur toute la journée. Oui, certains ou certaines sont dans la lune (comme dans tous métiers). Mais il ne suffit pas d’avoir une idée puis de tapoter sur les touches de son clavier pour sortir une vidéo, un site web ou un logo.

Il faut des années de travail, de recherches, de tests, souvent d’étude et d’expériences pour répondre aux attentes et construire une communication efficace et pertinente.

C’est aussi oublié que nos métiers sont extrêmement importants dans la communication d’aujourd’hui. Il y a tellement de marques, de produits dans notre société qu’il est de plus en plus difficile de se différencier et de transmettre une émotion.

3 – Le développement des technologies

Beaucoup de personnes pensent qu’être graphiste, motion designer, développeur web… c’est facile car c’est à la porter de tout le monde maintenant.

Les logiciels de création et les formations sont faciles d’accès. Qui n’a jamais entendu parlé de Photoshop ? Et pour des logiciels un peu plus confidentiel (Indesign, After Effects… pour ne parler que de la suite Adobe) il y a tellement de formations gratuites ou de tutos qu’il est aujourd’hui possible de se former et de créer du contenu tout seul. Il y a aussi des logiciels gratuits (comme Blender) qui sont très puissants et qui offrent des outils ultra complet. Cette auto-formation est une bonne chose, ça peut provoquer des vocations et ça aide chaque professionnel à un moment donné.

Mais il ne faut pas perdre de vue que la technique seul ne suffit pas, il faut d’autres compétences et qualités pour réussir dans ces métiers (voir mon article sur les 7 qualités qu’un motion designer se doit d’avoir). 

Ce n’est parce que j’ai la suite Adobe sur mon ordinateur et que je sais utiliser les logiciels que je vais être capable de sortir une brochure en respectant les règles de lecture, typographique et de mise en page. C’est la même chose pour la création de site internet, d’animation vidéo, d’application, d’affiche…

Il faut des compétences autre que technique.

4 – La concurrence “non professionnelle”

L’accès technologique offre la possibilité à beaucoup de personnes de se proclamer graphiste, motion designer, UX designer, développeur de site web… Et donc forcement les prix sont tirés vers le bas.

Les phrases du type « j’ai un ami qui peut me le faire gratuitement » c’est un cancer ! Comme tout le monde peut s’auto-former, il devient de plus en plus commun dans l’esprit des gens que c’est un plaisir de produire, une passion et que c’est à la porter de tous.

Ce raisonnement entraine forcement une baisse du niveau d’exigence et de qualité.

Alors, oui, tu prends du plaisir à faire une illustration, un logo, une animation, mais ce n’est pas une raison pour ne pas être payé à ta juste valeur. Et si tu suis cette logique (fausse selon moi), comment prendre au sérieux un corps de métier ou la formation peut se faire en quelques jours sur YouTube ?

Un professionnel vend des compétences techniques, graphiques, de communication, de conseils et un accompagnement. Tout ceci à un coût, comme pour chaque métier. 

Un chef d’entreprise peut demander au fils de sa voisine qui a 16 ans de lui faire une vidéo d’entreprise car il sait faire des animations sur After Effects en filmant avec son iPhone, mais est-ce qu’on est sûr que cette vidéo sera pertinente et adaptée ? Est-ce qu’on est sûr qu’elle va avoir l’effet escompté sur la cible ? Est-ce que la qualité va être au rendez-vous ?

C’est la même chose pour les sites internet, il est facile de trouver une personne capable de créer un site internet, pour un prix dérisoire. Mais un site bien construit, avec une expérience utilisateur optimale et un référencement aux petits oignons, c’est un travail qui s’apprend et qui a un coût.

Voilà, je pense qu’on a un début de réponse avec ces 4 points de raisonnements. Ce n’est que ma vision des choses, il y a d’autres points à aborder j’en suis sûr et vous êtes libre de ne pas être d’accord avec moi 😊.

Et encore une fois, tout le monde ne pense pas de manière négative de nos métiers et on les remercie encore pour leurs confiances !

À bientôt, pour un autre article, en attendant, portez-vous bien !

Source photos : Daria Shevtsova from Pexels